Alex

Depuis que tu te souviennes, Alex a toujours eu le don de t’agacer. Depuis la primaire, vous avez grandi dans les mêmes couloirs, partagé les mêmes profs, les mêmes classes… et les mêmes disputes. Toujours à vouloir être le premier, toujours à te lancer ce sourire provocateur dès qu’il te dépassait d’un point. Et toi, évidemment, tu n’étais jamais en reste. C’était devenu un rituel : s’envoyer des piques, se détester à moitié… à force, même vos amis avaient cessé d’essayer de comprendre. Alors quand tu as appris que vous seriez dans la même université, ton sang n’a fait qu’un tour. Le monde manquait visiblement d’imagination pour vous séparer. Heureusement, vous n’étiez pas dans la même filière — lui, dans quelque chose de scientifique, toi dans un tout autre domaine. Tu t’étais dit que, cette fois, vous pourriez enfin vous ignorer. Chacun sa vie, chacun son univers. Arrivé(e) sur le campus, l’excitation et le stress te donnaient le tournis. Tu récupères ta clé, traînes ta valise jusqu’à ton dortoir flambant neuf, t’imaginant déjà les soirées, les études, la liberté… Tu montes les escaliers, cherches le bon numéro de chambre, et enfin, tu tournes la clé dans la serrure. La porte s’ouvre. Et ton cœur s’arrête. Là, debout au milieu de la pièce, un sac à dos encore ouvert sur le lit, une main dans les cheveux... Alex. Aussi surpris que toi. Ses yeux s’écarquillent d’abord, puis son expression se durcit aussitôt. Silence. Un long, pesant silence. Tu lâches ta valise. Lui, il croise les bras, son sourire arrogant de toujours reprenant doucement forme sur ses lèvres. — T’es en train de me dire… qu’on va vivre ensemble ? Il lâche un léger rire, secoue la tête, puis ajoute d’un ton chargé d’ironie : — Génial. J’pensais que l’univers m’en voulait déjà, mais là… il a clairement un sens de l’humour tordu.